5-Hunger

Séance N°5 : 11 Février 2016
Hunger
S. Mc Queen
2009






A/ ÉTUDE DU FILM

  • Commentaire philosophique

La rencontre de Bobby Sands et du prêtre dans le parloir de la prison occupe, à plus d’un titre, une place centrale dans Hunger. Prouesse technique, elle ouvre un questionnement abyssal sur la liberté, en exposant les raisons qui conduisent un homme à rendre lui-même ses conditions d’incarcération plus effroyables encore, avant de s’imposer une longue agonie. Toute l’histoire tragique de Bobby Sands et de ses compagnons de lutte est d’abord l’illustration exemplaire de l’extraordinaire capacité de la volonté humaine à faire preuve d’une force que rien ne peut arrêter. Tout le monde, bien sûr, n’est pas capable de faire preuve d’une telle force et c’est l’interrogation que chacun, plus ou moins consciemment, peut porter à son encontre : moi-même, dans une situation radicale de confrontation à l’oppression, serais-je en mesure de ne pas plier ? Mais il suffit que quelques hommes d’exception en témoignent pour que l’on sache que l’homme, décidément, n’est pas un animal tout à fait comme les autres. Que l’on pense, comme Descartes, qu’il montre par la liberté de sa volonté sa ressemblance à Dieu (puisque celle-ci semble infinie), ou que l’on considère, comme Rousseau, que cette capacité de s’émanciper des limites naturelles explique tous les excès dont l’homme est capable, force est de constater que l’on ne peut voir que chez l’être humain une dizaine d’individus conduire jusqu’à la mort une grève de la faim pour faire reconnaître la dignité de leur statut politique. 
Mais justement, une telle force de volonté ne force-t-elle pas, du même coup, notre admiration ? Que des individus soient capables de se sacrifier pour une cause, cela signifie-t-il pour autant que leur cause est juste et même qu’ils se sacrifient pour de bonnes raisons ? Parce que nous doutons de notre propre capacité à faire preuve d’une telle détermination, nous tombons facilement dans la fascination devant les martyrs d’une foi, quelle qu’elle soit. Le comble du paradoxe est alors que le spectacle de la liberté en action peut nous soumettre à une idéologie mortifère. Là où, cependant, un film médiocre nous aurait facilement fait tomber dans ce piège en opposant la grandeur du héros à la veulerie de ses interlocuteurs, Steve Mc Queen nous montre son génie en confrontant Bobby Sands à l’argumentation rationnelle et raisonnable d’un prêtre. Qui de mieux placé, en principe, qu’un membre du clergé catholique pour comprendre l’attrait du martyr ? Mais justement, le prêtre sait bien que le sacrifice suprême peut cacher l’orgueil et le désir de gloire d’une fuite en avant suicidaire, qui relève plus de l’obstination que de l’intelligence. Il joue, certes, sur la corde affective de la souffrance causée aux familles, mais il soulève également des doutes sur les motifs psychologiques d’une telle action, sur leur réelle utilité politique et sur le sens de toute l’action militaire mise en œuvre par L’IRA. Ne vaudrait-il pas mieux œuvrer concrètement, au sein de la communauté, à améliorer ses conditions d’existence, même modestement, plutôt que de se lancer dans un combat meurtrier et incertain ? Quelles que soient les raisons du prêtre, Bobby Sands tient bon. Sa décision est déjà prise et il n’a fait venir le prêtre que pour s’assurer de sa propre détermination. Il faut agir de manière à ce que tout l’effort consenti jusqu’ici n’ait pas été vain, il faut tenir tête à une autre volonté inflexible : celle de la « dame de fer ». Bobby Sands et ses compagnons sont dans un rapport de force et ils doivent montrer qu’ils sont capables d’aller jusqu’au bout de leur engagement, sous peine de perdre toute crédibilité. Mais alors, ne sont-ils pas prisonniers du bras de fer dans lequel ils se sont lancés ? La liberté nécessite-t-elle d’aller toujours jusqu’au bout de ses choix ? Ou ne suppose-t-elle pas plutôt d’être capable de changer de décision lorsque celles-ci sont visiblement vouées à l’échec ? Un tel doute, une telle hésitation, sont mortels pour la volonté en lutte. Il y a des combats où il faut choisir une fois pour toute et se tenir à ses convictions, sous peine de parler et de devenir un traître. Malheureusement, c’est ainsi que tous les combats fabriquent leurs fanatiques.

P F.


  • Textes philosophiques 

@ « Et parce que l’une des principales parties de la sagesse est de savoir en quelle façon et pour quelle cause chacun se doit estimer ou mépriser, je tâcherai ici d’en dire mon opinion. Je ne remarque en nous qu’une seule chose qui nous puisse donner juste raison de nous estimer, à savoir l’usage de notre libre arbitre, et l’empire que nous avons sur nos volontés. Car il n’y a que les seules actions qui dépendent de ce libre arbitre pour lesquelles nous puissions avec raison être loués ou blâmés, et il nous rend en quelque façon semblables à Dieu en nous faisant maîtres de nous-mêmes, pourvu que nous ne perdions point par lâcheté les droits qu’il nous donne. Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu’un homme s’estime au plus haut point qu’il se peut légitimement estimer, consiste seulement partie en ce qu’il connaît qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volonté, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu’il en use bien ou mal, et partie en ce qu’il se sent en soi-même une ferme et constante résolution d’en bien user, c’est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures. Ce qui est suivre parfaitement la vertu. »

R. Descartes, Les passions de l’âme, Art. 152-153.


Ce que peut un corps

"Personne, en effet, n'a jusqu'ici déterminé ce que peut le corps, c'est-à-dire que l'expérience n'a jusqu'ici enseigné à personne ce que, grâce aux seules lois de la Nature, − en tant qu'elle est uniquement considérée comme corporelle, − le corps peut ou ne peut pas faire, à moins d'être déterminé par l'esprit. Car personne jusqu'ici n'a connu la structure du corps assez exactement pour en expliquer toutes les fonctions, et je ne veux rien dire ici de ce que l'on observe chez les bêtes et qui dépasse de loin la sagacité humaine, ni des nombreux actes que les somnambules accomplissent durant le sommeil et qu'ils n'oseraient pas faire éveillés ; ce qui prouve assez que le corps, par les seules lois de sa nature, peut beaucoup de choses dont son esprit reste étonné. En outre, personne ne sait de quelle manière ou par quels moyens l'esprit met le corps en mouvement, ni combien de degrés de mouvement il peut lui imprimer, et avec quelle vitesse il peut le mouvoir. D'où suit que les hommes, quand ils disent que telle ou telle action du corps a son origine dans l'esprit qui a de l'empire sur le corps, ne savent ce qu'ils disent et ne font qu'avouer ainsi en termes spécieux qu'ils ignorent la vraie cause de cette action et ne s'en étonnent pas.
Mais, dira-t-on, que l'on sache ou non par quels moyens l'esprit meut le corps, on sait cependant par expérience que, si l'esprit humain n'était pas capable de penser, le corps serait inerte. On sait aussi par expérience qu'il dépend du seul pouvoir de l'esprit de parler comme de se taire, et beaucoup d'autres choses que l'on croit donc dépendre du décret de l'esprit. [...]
[...] Je demande si l'expérience ne nous enseigne pas également que, si à l'inverse le corps est inerte, l'esprit est en même temps incapable de penser. Car lorsque le corps est au repos pendant le sommeil, l'esprit est endormi en même temps que lui et n'a pas le pouvoir de penser de l'état de veille. Ensuite je crois que tous nous avons fait l'expérience que l'esprit n'est pas toujours également apte à penser au même objet, mais que plus le corps est apte à éveiller en lui l'image de tel ou tel objet, plus l'esprit est apte à considérer ces objets.[...]"

Spinoza, Ethique, Livre III, scolie de la prop. 2



Le corps vu par des philosophes :

Notre corps est l’enveloppe de l’âme, qui, de son côté, en est la gardienne et la protectrice” 
Lucrèce


“L’âme ne raisonne jamais mieux que quand elle s’isole le plus complètement en elle-même, en envoyant promener le corps“ 
Platon


“Ce mot de corps est fort équivoque. Quand nous parlons d’un corps en général, nous entendons une partie déterminé de la matière, et ensemble de la quantité dont l’univers est composé. Mais quand nous parlons du corps d’un homme ou d’une femme, nous entendons toute la matière qui est unie avec l’âme de cet homme” 
Descartes 


“J’entends par corps un mode qui exprime l’essence de Dieu, en tant qu’on la considère comme chose étendue, d’une manière certaine et déterminée” 
Spinoza


“Chaque corps organique d’un vivant est d’une espèce de machine divine, ou d’un automate naturel, qui surpasse infiniment tous les automates artificiels”
Leibniz




"Que des martyrs prouvent quelque chose quant à la vérité d'une cause, cela est si peu vrai que je veux montrer qu'aucun martyr n'eut jamais le moindre rapport avec la vérité. Dans la façon qu'a un martyr de jeter sa certitude à la face de l'univers s'exprime un si bas degré d'honnêteté intellectuelle, une telle fermeture d'esprit devant la question de la vérité, que cela ne vaut jamais la peine qu'on le réfute. La vérité n'est pas une chose que l'un posséderait et l'autre non (...). Plus on s'avance dans les choses de l'esprit, et plus la modestie, l'absence de prétentions sur ce point deviennent grandes : être compétent dans trois ou quatre domaines, avouer pour le reste son ignorance...
Les martyrs furent un grand malheur dans l'histoire : ils séduisirent. Déduire qu'une cause pour laquelle un homme accepte la mort doit bien avoir quelque chose pour elle - cette logique fut un frein inouï pour l'examen, l'esprit critique, la prudence intellectuelle. Les martyrs ont porté atteinte à la vérité. Il suffit encore aujourd'hui d'une certaine cruauté dans la persécution pour donner à une secte sans aucun intérêt une bonne réputation. Comment ? Que l'on donne sa vie pour une cause, cela change-t-il quelque chose à sa valeur? Ce fut précisément l'universelle stupidité historique de tous les persécuteurs qui donnèrent à la cause adverse l'apparence de la dignité."

F. Nietzsche, L’Antéchrist, § 53.



@ « Ayant toujours mieux compris d’année en année combien il est ardu de trouver la vérité, je suis devenu trop méfiant pour croire l’avoir trouvée : pareille croyance est un obstacle capital sur le chemin de la vérité. Si tous ceux qui nourrissaient une si grande idée de leur conviction, lui faisaient des sacrifices de toute nature, ne ménageaient même à son service ni leur honneur ni leur vie, avaient plutôt consacré ne serait-ce que la moitié de leurs forces à rechercher à quel titre ils tenaient à telle ou telle conviction, par quelles voies ils y étaient arrivés, quel air pacifique aurait l’histoire de l’humanité ! Quel surcroît de connaissances nous aurions ! Toutes les scènes de cruauté, la persécution des hérétiques, nous eussent été épargnées pour deux raisons : d’abord parce que les inquisiteurs se seraient soumis les premiers à leur propre inquisition et auraient ainsi échappé à la prétention de défendre la vérité absolue ; ensuite parce que les hérétiques eux-mêmes n’auraient plus porté le moindre intérêt, après les avoir sondés, à des principes aussi mal fondés que le sont les principes de tous les orthodoxes et sectaires religieux. »

F. Nietzsche, Fragments posthumes 1876-1877, 23 [156].

 

@ « Depuis longtemps déjà j’ai proposé que l’on se demande si les convictions ne sont pas des adversaires plus dangereux de la vérité que les mensonges. Cette fois-ci, j’aimerais poser la question décisive : y a-t-il la moindre opposition entre le mensonge et la conviction ? – Tout le monde le croit ; mais que ne croit pas tout le monde ? Toute conviction a son histoire, ses formes primitives, ses tentatives et ses échecs : elle devient conviction après une longue période pendant laquelle elle ne l’était pas, et une plus longue encore où elle l’était à peine. Eh quoi ? Parmi ces formes embryonnaires de la conviction, ne pourrait-il y avoir aussi le mensonge ? (…) Ce que j’appelle mensonge : refuser de voir quelque chose que l’on voit, refuser de voir quelque chose comme on le voit : que le mensonge ait lieu devant témoins ou sans témoins ne fait rien à l’affaire. Le mensonge le plus courant est celui par lequel on se ment à soi-même : mentir aux autres est, relativement, l’exception. »
F. Nietzsche, L’Antéchrist, §55.



"Hors de la société civile chacun jouit d'une liberté très entière, mais qui est infructueuse, parce que comme elle donne le privilège de faire tout ce que bon nous semble, aussi elle laisse aux autres la puissance de nous faire souffrir tout ce qu'il leur plaît. Mais dans le gouvernement d'un État bien établi, chaque particulier ne se réserve qu'autant de liberté qu'il lui en faut pour vivre commodément, et en une parfaite tranquillité, comme on n'en ôte aux autres que ce dont ils seraient à craindre. Hors de la société, chacun a tellement droit sur toutes choses, qu'il ne peut s'en prévaloir et n'a la possession d'aucune ; mais dans la république, chacun jouit paisiblement de son droit particulier. Hors de la société civile, ce n'est qu'un continuel brigandage et on est exposé à la violence de tous ceux qui voudront nous ôter les biens et la vie ; mais dans l'État, cette puissance n'appartient qu'à lui seul. Hors du commerce des hommes, nous n'avons que nos propres forces qui nous servent de protection, mais dans une ville, nous recevons le secours de tous nos concitoyens."

Hobbes, Du citoyen.


État et violence

"Nous entendrons uniquement par politique la direction du groupement politique que nous appelons aujourd'hui « État », ou l'influence que l'on exerce sur cette direction.

Mais qu'est-ce donc qu'un groupement, « politique » du point de vue du sociologue ? Qu'est-ce qu'un État ? Lui non plus ne se laisse pas connaître logiquement par le contenu de ce qu'il fait. Il n'existe en effet presque aucune tâche dont ne se soit pas occupé un jour un groupement politique quelconque ; d'un autre côté il n'existe pas non plus de tâches dont on puisse dire qu'elles aient de tout temps, du moins exclusivement, appartenu en propre aux groupements politiques que nous appelons aujourd'hui États ou qui ont été historiquement les précurseurs de l'État moderne. Celui-ci ne se laisse définir sociologiquement que par le moyen spécifique qui lui est propre, ainsi qu'à tout autre groupement politique, à savoir la violence physique.

« Tout État est fondé sur la force », disait un jour Trotski à Brest-Litovsk. En effet, cela est vrai. S'il n'existait que des structures sociales d'où toute violence serait absente, le concept d'État aurait alors disparu et il ne subsisterait que ce qu'on appelle, au sens propre du terme, l'« anarchie ». La violence n'est évidemment pas l'unique moyen normal de l'État — cela ne fait aucun doute —, mais elle est son moyen spécifique. De nos jours la relation entre État et violence est tout particulièrement intime. Depuis toujours les groupements politiques les plus divers — à commencer par la parentèle — ont tous tenu la violence physique pour le moyen normal du pouvoir. Par contre il faut concevoir l'État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé — la notion de territoire étant une de ses caractéristiques —, revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. Ce qui est en effet le propre de notre époque, c'est qu'elle n'accorde à tous les autres groupements, ou aux individus, le droit de faire appel à la violence que dans la mesure où l'État le tolère : celui-ci passe donc pour l'unique source du « droit » à la violence. Par conséquent, nous entendrons par politique l'ensemble des efforts que l'on fait en vue de participer au pouvoir ou d'influencer la répartition du pouvoir, soit entre les États, soit entre les divers groupes à l'intérieur d'un même État.

En gros, cette définition correspond à l'usage courant du terme. Lorsqu'on dit d'une question qu'elle est « politique », d'un ministre ou d'un fonctionnaire qu'ils sont « politiques », ou d'une décision qu'elle a été déterminée par la « politique », il faut entendre par là, dans le premier cas que les intérêts de la répartition, de la conservation ou du transfert du pouvoir sont déterminants pour répondre à cette question, dans le second cas que ces mêmes facteurs conditionnent la sphère d'activité du fonctionnaire en question, et dans le dernier cas qu'ils déterminent cette décision. Tout homme qui fait de la politique aspire au pouvoir — soit parce qu'il le considère comme un moyen au service d'autres fins, idéales ou égoïstes, soit qu'il le désire pour lui-même en vue de jouir du sentiment de prestige qu'il confère.

Comme tous les groupements politiques qui l'ont précédé historiquement, l'État consiste en un rapport de domination de l'homme sur l'homme fondé sur le moyen de la violence légitime (c'est-à-dire sur la violence qui est considérée comme légitime). L'État ne peut donc exister qu'à la condition que les hommes dominés se soumettent à l'autorité revendiquée chaque fois par les dominateurs."


Weber (Max), Le savant et le politique, 1919



"Au contraire, conserver sa vie est un devoir, et c’est en outre une chose pour laquelle chacun a encore une inclination immédiate. Or, c’est pour cela que la sollicitude souvent inquiète que la plupart des hommes y apportent n’en est pas moins dépourvue de toute valeur intrinsèque et que leur maxime n’a aucun prix moral. Ils conservent la vie conformément au devoir sans doute, mais non par devoir. En revanche, que des contrariétés et un chagrin sans espoir aient enlevé à un homme tout goût de vivre, si le malheureux, à l’âme forte, est plus indigné de son sort qu’il n’est découragé ou abattu, s’il désire la mort et cependant conserve la vie sans l’aimer, non par inclination ni par crainte, mais par devoir, alors sa maxime a une valeur morale."

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, I, §9-11 et 13, 1785




"Le droit de punir est le droit du souverain envers celui qui lui est soumis de lui infliger une peine douloureuse en raison de son crime... La peine juridique (...) ne peut jamais être simplement comme un moyen de réaliser un autre bien, soit pour le criminel lui-même, soit pour la société civile, mais doit uniquement lui être infligée, pour la seule raison qu’il a commis un crime ; en effet l’homme ne peut jamais être traité simplement comme un moyen pour les fins d’autrui... Il doit préalablement être trouvé punissable, avant que l’on songe à retirer de cette punition quelque utilité pour lui-même ou ses concitoyens (...) car la justice cesse d’être une justice, dès qu’elle se donne pour un quelconque prix. 
Mais quel est le mode et quel est le degré du châtiment que la justice publique doit adopter comme principe et mesure ? Il n’en est point d’autre que le principe de l’égalité (figuré par la position de l’aiguille dans la balance de la justice), et qui consiste à ne pas se pencher d’un côté plus que de l’autre. Ainsi : le mal immérité que tu infliges à un autre dans le peuple, tu le fais à toi-même. Si tu l’outrages, c’est toi-même que tu outrages ; si tu le voles, tu te voles toi-même ; si tu le frappes, tu te frappes toi-même ; si tu le tues, tu te tues toi-même. Seule la loi du talion (jus talionis), mais bien entendu à la barre du tribunal (et non dans un jugement privé), peut fournir avec précision la quantité et la qualité de la peine ; toutes les autres sont chancelantes et ne peuvent, en raison des considérations étrangères qui s’y mêlent, s’accorder avec la sentence de la pure et stricte justice."

Emmanuel Kant, Métaphysique des Mœurs (1796)



"En dépit de la grande influence que le concept d'une liberté intérieure non politique a exercée sur la tradition de la pensée, il semble qu'on puisse affirmer que l'homme ne saurait rien de la liberté intérieure s'il n'avait d'abord expérimenté une liberté qui soit une réalité tangible dans le monde. Nous prenons conscience d'abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce avec d'autres, non dans le commerce avec nous-mêmes. Avant de devenir un attribut de la pensée ou une qualité de la volonté, la liberté a été comprise comme le statut de l'homme libre, qui lui permettait de se déplacer, de sortir de son foyer, d'aller dans le monde et de rencontrer d'autres gens en actes et en paroles. ... Manifestement, la liberté ne caractérise pas toute forme de rapports humains et toute espèce de communauté. Là où des hommes vivent ensemble mais ne forment pas un corps politique - par exemple, dans les sociétés tribales ou dans l'intimité du foyer - les facteurs réglant leurs actions et leur conduite ne sont pas la liberté, mais les nécessités de la vie et le souci de sa conservation. En outre, partout où le monde fait par l'homme ne devient pas scène pour l'action et la parole - par exemple dans les communautés gouvernées de manière despotique qui exilent leurs sujets dans l'étroitesse du foyer et empêchent ainsi la naissance d'une vie publique - la liberté n'a pas de réalité mondaine'. Sans une vie publique politiquement garantie, il manque à la liberté l'espace mondain où faire son apparition. Certes, elle peut encore habiter le cour des hommes comme désir, volonté, souhait ou aspiration, mais le cour humain, nous le savons tous, est un lieu très obscur, et tout ce qui se passe dans son obscurité ne peut être désigné comme un fait démontrable. La liberté comme fait démontrable et la politique coïncident et sont relatives l'une à l'autre comme deux cotés d'une même chose" 
H. Arendt


« On a souvent fait observer que la terreur ne peut régner absolument que sur des hommes qui sont isolés les uns des autres et qu’en conséquence, un des premiers soucis de tous les régimes tyranniques est de provoquer cet isolement. L’isolement peut être le début de la terreur ; il est certainement son terrain le plus fertile ; il est toujours son résultat. L’isolement est, pour ainsi dire, pré-totalitaire ; il est marqué au coin de l’impuissance dans la mesure où le pouvoir provient toujours d’hommes qui agissent ensemble, « qui agissent de concert » ; les hommes isolés n’ont par définition aucun pouvoir (…)
Ce que nous nommons isolement dans la sphère politique, se nomme désolation dans la sphère des relations humaines.Isolement et désolation font deux. Je peux être isolée – c’est-à-dire dans une situation où je ne peux agir parce qu’il n’est personne avec moi- sans être « désolée » : et je peux être désolée, c’est-à-dire dans une situation où, en tant que personne je me sens à l’écart de toute société humaine- sans être isolée (…)
Dans l’isolement, l’homme reste en contact avec le monde en tant qu’œuvre humaine ; ce n’est que lorsque la forme la plus élémentaire de créativité humaine –c’est-à-dire le pouvoir d’ajouter quelque chose de soi au monde commun- est détruite, que l’isolement devient absolument insupportable. C’est ce qui peut se produire dans un monde où les valeurs majeures sont dictées par le travail, autrement dit où toutes les activités humaines ont été transformées en travail.Dans de telles conditions, seul demeure le pur effort du travail, autrement dit l’effort pour se maintenir en vie, et le rapport au monde comme création humaine est brisé (…) Alors l’isolement devient désolation (…)
Tandis que l’isolement intéresse uniquement le domaine politique de la vie, la désolation intéresse la vie humaine dans son tout. Le régime totalitaire comme toutes les tyrannies ne pourrait exister sans détruire le domaine public de la vie, c’est-à-dire sans détruire, en isolant les hommes, leurs capacités politiques. Mais la domination totalitaire est un nouveau type de régime en cela qu’elle ne se contente pas de cet isolement et détruit également la vie privée. Elle se fonde sur la désolation, sur l’expérience d’absolue non-appartenance au monde, qui est l’une des expériences les plus radicales et les plus désespérées de l’homme. »
H. Arendt


Nous disons bonnes les vertus d'un homme, non pas à cause des résultats qu'elles peuvent avoir pour lui, mais à cause des résultats qu'elles peuvent avoir pour nous et pour la société : dans l'éloge de la vertu on n'a jamais été bien « désintéressé », on n'a jamais été bien « altruiste » ! On aurait remarqué, sans cela, que les vertus (comme l'application, l'obéissance, la chasteté, la piété, la justice) sont généralement nuisibles à celui qui les possède, parce que ce sont des instincts qui règnent en lui trop violemment, trop avidement, et ne veulent à aucun prix se laisser contrebalancer raisonnablement par les autres. Quand on possède une vertu, une vraie vertu, une vertu complète (non une petite tendance à l'avoir), on est victime de cette vertu ! Et c'est précisément pourquoi le voisin en fait la louange ! On loue l'homme zélé bien que son zèle gâte sa vue, qu'il use la spontanéité et la fraîcheur de son esprit : on vante, on plaint le jeune homme qui s'est « tué à la tâche » parce qu'on pense : « Pour l'ensemble social, perdre la meilleure unité n'est encore qu'un petit sacrifice ! Il est fâcheux que ce sacrifice soit nécessaire ! Mais il serait bien plus fâcheux que l'individu pensât différemment, qu'il attachât plus d'importance à se conserver et à se développer qu'à travailler au service de tous ! » On ne plaint donc pas ce jeune homme à cause de lui-même, mais parce que sa mort a fait perdre à la société un instrument soumis, sans égards pour lui-même, bref un « brave homme », comme on dit.

Nietzsche, Le Gai Savoir.


 

« La félicité publique est bien moins la fin des actions du héros qu’un moyen pour arriver à celle qu’il se propose, et cette fin est presque toujours la gloire personnelle. […] Il ne faut donc pas se représenter l’héroïsme sous l’idée d’une perfection morale qui ne lui convient nullement, mais comme un composé de bonnes et mauvaises qualités, salutaires ou nuisibles selon les circonstances. »

J. J. Rousseau, Discours sur la vertu




@ « Qu’est-ce que signifie ici que l’existence précède l’essence ? Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit après. L’homme, tel que le conçoit l’existentialiste, s’il n’est pas définissable, c’est qu’il n’est d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite, et il sera tel qu’il se sera fait. Ainsi, il n’y a pas de nature humaine, puisqu’il n’y a pas de Dieu pour la concevoir. L’homme est non seulement tel qu’il se conçoit, mais tel qu’il se veut, et comme il se conçoit après l’existence, comme il se veut après cet élan vers l’existence, l’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait. Tel est le premier principe de l’existentialisme. C’est aussi ce qu’on appelle la subjectivité, et que l’on nous reproche sous ce nom même. Mais que voulons-nous dire par là, sinon que l’homme a une plus grande dignité que la pierre ou que la table ? Car nous voulons dire que l’homme existe d’abord, c’est-à-dire que l’homme est d’abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l’avenir. L’homme est d’abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d’être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur ; rien n’existe préalablement à ce projet ; rien n’est au ciel intelligible, et l’homme sera d’abord ce qu’il aura projeté d’être. »

J. P. Sartre, L’existentialisme est un humanisme.



@ « Mais si vraiment l’existence précède l’essence, l’homme est responsable de ce qu’il est. Ainsi la première démarche de l’existentialisme est de mettre tout homme en possession de ce qu’il est et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son existence. Et, quand nous disons que l’homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire que l’homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu’il est responsable de tous les hommes. Il y a deux sens au mot subjectivisme. Subjectivisme veut dire d’une part choix du sujet individuel par lui-même, et, d’autre part, impossibilité pour l’homme de dépasser la subjectivité humaine. C’est le second sens qui est le sens profond de l’existentialisme. Quand nous disons que l’homme se choisit, nous entendons que chacun d’entre nous se choisit, mais par là nous voulons dire aussi qu’en se choisissant il choisit tous les hommes. En effet il n’est pas un de nos actes qui, en créant l’homme que nous voulons être, ne crée en même temps une image de l’homme tel que nous estimons qu’il doit être. Choisir d’être ceci ou cela, c’est affirmer en même temps la valeur de ce que nous choisissons, car nous ne pouvons jamais choisir le mal ; ce que nous choisissons, c’est toujours le bien, et rien ne peut être bon pour nous sans l’être pour tous. Si l’existence précède l’essence et que nous voulions exister en même temps que nous façonnons notre image, cette image est valable pour tous et pour notre époque tout entière. Ainsi, notre responsabilité est beaucoup plus grande que nous ne pourrions le supposer, car elle engage l’humanité entière. »

J. P. Sartre, L’existentialisme est un humanisme.


"Je voudrais dire deux mots sur le droit de résistance, parce que je découvre avec stupeur que personne n'est vraiment profondément conscient du fait que la reconnaissance de ce droit (la civil disobedience en l'occurrence) constitue l'un des éléments les plus anciens et sacrés de la civilisation occidentale. L'idée qu'il existe un droit supérieur au droit positif est aussi vieille que cette civilisation elle-même. Ce conflit entre deux Droits, toute opposition qui dépasse la sphère privée le rencontre. L'ordre établi détient le monopole légal de la force et il a le droit positif, l'obligation même d'user de cette violence pour se défendre. En s'y opposant, on reconnaît et on exerce un droit plus élevé. On témoigne que le devoir de résister est le moteur du développement historique de la liberté, le droit et le devoir de la désobéissance civile étant exercé comme force potentiellement légitime et libératrice. Sans ce droit de résistance, sans l'intervention d'un droit plus élevé contre le droit existant, nous en serions aujourd'hui encore au niveau de la barbarie primitive."

Marcuse, Conférence : Le problème de la violence dans l'opposition, Juillet 1967


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  • Analyse cinématographique dans une perspective philosophique
    • Séquences étudiées 
      • Bobby Sands et le prêtre 


La détermination d'un corps. Être martyr malgré soi.

Au cœur du film, tant sur le plan temporel que narratif, nous est présentée cette extraordinaire séquence de 18 min construite comme un duel rhétorique (1) entre deux hommes aux convictions comparables mais aux fins divergentes.
Deux réalités se confrontent, l'une à nue et l'autre en habit d’apparat (le rouge et le noir), dans un parloir de la prison de Maze. Cette rencontre va aboutir à la mise en pratique d’un choix idéologique. Le prêtre est un homme de raison qui tente de sauver Bobby Sands - emprisonné depuis deux années- par tous les moyens dont il dispose, afin qu'il n'accomplisse pas l'irrémédiable. Ils se connaissent et même si on ressent une défiance à l'égard de la religion dans ce qu'elle possède de mystique et de paraboles par ce qu'évoque Bobby, il n'en demeure pas moins que c'est en toute confiance et sérénité que se livre Bobby à son confesseur et ami, le prêtre.
Toute l'ambiguïté de la séquence réside dans le fait que nous sommes devant deux hommes qui prônent, sans prosélytisme, deux visions du monde qui n'en font qu'une. Un prêtre catholique qui étaye son argumentaire par un champ sémantique, sans dogmatisme, très humain et rationnel et un homme de conviction qui parle comme un religieux (paraboles, images bibliques, ...). Une trans-valuation qui génère chez le spectateur un questionnement permanent et une unité de la forme. L’un est dans l'autre et l'autre est dans l'un. Même si le "match" est remporté par Bobby Sands sur le plan cinématographique (voir analyse plans ci-dessous) et sur le plan historique, nous devons nous soumettre à la raisonnable ferveur du prêtre dans le champ lexical qu'elle invoque (cœur, enfant, famille, dialogue, négociation, conciliation, action....). L'engagement et la conviction de Bobby Sands sont tels qu'aucun mot ne suffirait à l'en dissuader. Il n'est pourtant pas dans la passion mais est bien au contraire convaincu et déterminé rationnellement dans sa posture christique sans vouloir être martyr. Notre rapport au monde n'est-il pas conditionné par notre capacité (ou non) à réagir et donc à agir en fonction de ce que la réalité propose (ou impose) ?

Une construction (lumière, position des corps, cadrage, ambiance, symétries) qui nous laisse penser que ce à quoi nous assistons dans ce parloir n'est qu'une métaphore du mécanisme de la conscience. Celle où s'opèrent les décisions d'un seul et même être qui pèserait le pour et le contre avant de passer à l'acte. Un acte irréversible, puisqu'il ne mène qu'à une seule issue, : la mort. L'acte absolu de résistance (qui sera suivi d'autres) que pose Bobby Sands à l'encontre du gouvernement inflexible de M. Thatcher, après avoir épuisé toutes les autres solutions.
Car il s'agit bien de cela, le principe de réalité de Bobby est celui de sa cause. La parabole(2) du poulain qu'il a noyé (paradoxalement pour lui éviter toute souffrance, alors que lui-même est prêt à se l'infliger) étant enfant, déjà en prise avec le religieux, est là pour l'attester. Une décision qui dérange le dogme théorique de la bienpensance/le mot n’existe pas ; soit on le laisse parce qu’on comprend soit on le change mais qui se pose comme l'acte politique à la hauteur de la situation que la réalité contraint. Une décision qui devait s'imposer à un jeune garçon sensible à la douleur d'autrui. Cet acte fondateur est plein de responsabilité. Il est devenu aux yeux des autres un leader. Cette trace de son passé montre à quel point sa conviction est ancrée en lui, elle dépasse l'autre versant de la réalité (sa famille, ce qu'il pourrait proposer dans son action militante, ...). Le prêtre ne peut qu'admettre sa "défaite" sémantique et humaine (le plan sur son visage à la fin en dit long sur son échec et son dépit). La constitution ontologique de Bobby est ainsi faite, il n'est pas monolithique mais a ce pouvoir sur les autres et sur une réalité. Une emprise qui le dépasse dans toute une dimension transcendantale qui prend corps dans un déterminisme remettant en question le choix libertaire de son acte. Un corps qui va décrépir, se décomposer dans une cruelle immanence dans la suite du film. Une souffrance qu'il admet pour son corps par conviction mais qu'il ne tolérait pas chez ce jeune cheval. Une force que veut nous signifier le réalisateur par la construction narrative de l'ensemble du film et singulièrement de cette séquence.
Le prêtre a échoué dans sa tentative de convaincre Bobby de ne pas passer à l'acte ou du moins de revenir sur une décision qu'il avait déjà réfléchie et prise en son âme et conscience. Bobby, en revanche, ne cherchait point à convaincre mais seulement à éprouver son choix face aux arguments de son ami, de son double.
SL

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Analyse cinématographique de la séquence : une dialectique dans l'image

La singularité de cette exceptionnelle séquence réside dans sa composition temporelle et plastique.

Le terme de plan séquence s'applique sur la quasi-totalité de son déroulement, jusqu'au moment où l'on voit le visage enfin éclairé de Bobby Sands.

Composition de la séquence : 1 plan séquence (18 min) et 5 plans courts

1. Toute la première partie, soit environ 16min, est filmée en contre jour et en un seul plan (sans cut). L'étendue temporelle de la séquence confère au dialogue une dimension réaliste et donne lieu à une interprétation de la part des deux comédiens de haut niveau. Les corps sont fixes, assis, et les bras bougent de temps à autres. La seule dynamique réelle et observable est donnée par les volutes de fumée qui inscrivent la scène dans une atmosphère confinée et créé ce lien imagé entre les deux protagonistes. Ce que veut montrer et faire ressentir le réalisateur dans cette 1ère partie est l'équilibre formel qui existe entre le prêtre et Bobby. Ils ont autant de chance l'un que l'autre. Le dialogue est, comme le cadrage, en harmonie symétrique. C'est le point qui semble le plus frappant et qui donne au spectateur cette possibilité d'immersion totale dans le dialogue même et non dans le jeu. En évitant la traditionnelle alternance entre champ/contre champ, le réalisateur se positionne comme témoin neutre de la scène et nous place à l'identique. La prouesse technique est d'autant plus intéressante que Mc Queen a dû changer le système de perforation du film pour que la bobine dure plus longtemps. 

2. Ce n'est qu'au terme de l'argumentaire, après la parabole du poulain, que le réalisateur prend fait et cause pour Bobby Sands. Le plan prend ainsi une force inouïe puisqu’il vient en rupture totale du précédent. La lumière est bien sur Bobby, le prêtre n'est plus que la voix off (hors champ) que son habit noir incarne.  (.... à suivre)
    SL 
     
     
" Les images seules ne sont rien, seul le montage les convertit en vérité ou en mensonge."    Jean Epstein


"Lorsque l'âme et le corps ont été brisés dans une longue et douloureuse lutte, l'heure où les forces sont dépassées est suivie ou de la mort, ou d'un anéantissement pareil à la mort, mais où les natures capables de résister prennent alors des forces." Balzac


(1) Rhétorique et dialectique (Aristote)

La rhétorique s'appuie toujours sur des preuves. La preuve est ainsi une démonstration, car si nous admettons une preuve comme vraie, c'est nécessairement qu'il y a eu démonstration au préalable. La rhétorique vise donc à établir le vrai et le juste. La rhétorique opère donc comme la dialectique : son but n'est pas tant de persuader que de voir l'état probable des choses par rapport à chaque question. Aristote distingue ensuite deux types de preuves :

  • les preuves indépendantes ou externes (antheknaî) qui sont toutes celles qui ne sont pas fournies par l'orateur, mais préexistent à son action, comme les témoignages.
  • les preuves dépendantes ou internes (euteknaî) qui sont toutes celles qu'il est possible de réunir grâce à la rhétorique et propres au savoir et au talent de l'orateur.
L'orateur doit donc tirer parti des premières, et trouver les secondes. Les preuves dépendantes sont elles-mêmes de trois sortes :
  • les premières résident dans le caractère moral de l'orateur qui doit inspirer confiance;
  • les secondes tiennent à la disposition d'esprit des auditeurs;
  • les troisièmes relèvent du caractère persuasif du discours en lui-même, lorsque l'orateur démontre la vérité d'une proposition.
Les moyens de la démonstration qui valent pour chaque discours : le judiciaire a le syllogisme rhétorique ou enthymème comme instrument principal, le délibératif privilégie l'exemple et l'épidictique enfin met en avant l'amplification.


(2) PARABOLE, religion

Récit allégorique, habituellement assez bref, sous lequel, dans les textes néo-testamentaires et spécialement dans les Évangiles, se cache un enseignement, selon un procédé populaire et oriental consistant à faire passer un message au moyen d'une comparaison (en grec, parabolè) : « Le royaume de Dieu est semblable à un grain de sénevé, [...] à une femme, [...] à un semeur... » Ce procédé, si fréquent chez les évangélistes synoptiques (Marc, Matthieu, Luc) peut être relié à la tradition prophétique qui aimait mimer sa prédication et était tout autant gestuelle que verbale. Par là, il est possible de faire entrer les paraboles dans un vaste réseau thématique : le semeur, la vigne, le pêcheur, les festins fournissant la symbolique théologique et montrant comment le Nouveau Testament approfondit l'Ancien. On peut aussi rattacher l'usage de la parabole dans la Bible au fait que les Hébreux ne voulaient pas nommer Dieu : par son caractère obscur, ou du moins paradoxal, la parabole est une façon de voiler en dévoilant. Les commentateurs en ont souvent fait aussi un élément de pédagogie, soit en la comprenant comme une captatio benevolentiae, soit en y voyant la marque du fameux « secret messianique », qui préserve la révélation puisque tous n'ont pas l'esprit pour la recevoir. Beaucoup de paraboles se terminent, en effet, par ces mots : « Qui peut comprendre, qu'il comprenne. » Ainsi a-t-on justifié les anomalies de certaines d'entre elles, telles celles qui mettent en scène des personnages immoraux (l'intendant malhonnête, par exemple). C'est de cette façon aussi que l'on a opposé la parabole à l'allégorie, qui serait une construction point par point comparative.
Source : encyclopédie Universalis



Définitions
Persuader Persuader, c'est faire croire. (Adhésion émotionnelle)
Convaincre Convaincre, c'est obtenir l'assentiment sur la base de preuves ou de témoignages. (Adhésion rationnelle)
Conviction Au sens juridique du terme, qui est aussi le premier sens, la conviction est une preuve établissant la culpabilité de quelqu'un.
Au sens philosophique, la conviction est l'action de convaincre ou la certitude logique résultant de cette action.
Par extension, et de façon impropre, on parle aussi de conviction morale : croyance ferme en la légitimité d'un idéal ou d'une doctrine.
Dictionnaires de référence :
  • André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie. P.U.F.
  • Sylvain Auroux et Yvonne Weil, Nouveau vocabulaire des études philosophiques. Hachette.


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« Un État est une communauté humaine qui revendique le monopole de l’usage légitime de la force physique sur un territoire donné »   
 Max Weber


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  • Fiche technique du film

Titre original : Hunger
Réalisation : Steve McQueen
Scénario : Steve McQueen et Enda Walsh
Production : Robin Gutch, Laura Hastings-Smith
Musique : Leo Abrahams et David Holmes
Photographie : Sean Bobbitt
Montage : Joe Walker
Décors : Tom McCullagh
Costumes : Anushia Nieradzik
Pays d'origine : Royaume-Uni
Format : Couleurs - 2,35:1 - Dolby Digital - 35 mm
Genre : Drame
Durée : 96 minutes
Date de sortie : 15 mai 2008 (Festival de Cannes), 31 octobre 2008 (Royaume-Uni) Interdit aux moins de 12 ans en France.

Source : Wikipédia




   B/ PROGRAMME DE PHILOSOPHIE 

  • Notions du programme 
    • Le droit 
    • La politique  
    • La morale
    • La religion
    • La liberté 

  • Notions philosophiques induites
    • La loi
    • La violence
    • La théorie / la pratique
    • Le discours / l'action
    • La souffrance
    • L'obéissance 
    • La dualité de l'homme
    • La mort / La vie
    • La rhétorique
  
  • Sujets de philosophie
    • Sujets possibles
      • Jusqu'où peut-on légitimer la violence ?
      • Doit-on défendre une cause au péril de sa vie ?
      • Suffit-il d'être certain pour être dans le vrai ? 
      • Mourir pour un idéal, ou une cause, est-ce se suicider ?
      • La violence d'un État démocratique est-elle plus légitime ?   
    • Sujet traité avec corrigé :


  • Philosophes concernés 
    • Descartes
    • Spinoza  
    • Leibniz
    • Rousseau  
    • Kant
    • Hobbes 
    • Nietzsche
    • Weber
    • Arendt
    • Sartre

  • Liens avec d'autres films du cycle
    • La ligne rouge  
      • Résistance
      • État de nature
      • État de culture

    • Mort à Venise 
      • Le beau
      • Immanence 
      • Transcendance


C/ TESTS ET EXERCICES 

 

  • Questions de recherches cinématographiques
       
    • Quels autres films pourriez-vous citer qui mettent en scène un homme ou une femme qui défendent une cause au péril de leur existence ?
      • Faites le lien avec Hunger et comparer les causes et les effets.
      • Quels points communs trouvez-vous ?
      • Quelles différences trouvez-vous ?
      • Concluez. 
        • Quelle est la particularité de Hunger dans le traitement (notamment sur le plan cinématographique) du sujet ? 
        • Qu'est-ce qui fait son originalité au regard des autres films  ?
    •  Quels sont les films et réalisateurs qui ont traité de l'Irlande du Nord ?
     

  • Questions de culture philosophique

    • La liberté est-ce :
      • Pouvoir faire n’importe quoi 
      • L’absence totale de contraintes
      • Pouvoir satisfaire toutes nos envies
      • Faire ce que l’on veut  

    • Si tu trouves que ces expressions disent la même chose :
      • Cherche les différences pouvant exister entre envie et volonté, aide-toi des expressions courantes utilisant ces notions, trouve des exemples dans la vie quotidienne.
      • Demande-toi ce que serait faire absolument « n’importe quoi », serait-ce vraiment la liberté ? 
        • Qui fait parfois « n’importe quoi » ? 
        • Est-il libre dans ce cas ?
      • Peut-il y avoir absence totale de contraintes ? 
        • Essaye d’imaginer un monde avec une absence totale de contraintes, serait-ce vraiment la liberté dans ce cas ? 
        • Pourquoi ?


    • Identifie les citations suivantes en les rattachant à leur auteur :

      • « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent »
      • « L’homme n’a de ressource que dans sa propre volonté. »
      • « Vouloir libère car vouloir c’est créer. »
      • « L’impulsion du seul appétit est esclavage, l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. »
  • Nietzsche
  • Aristote
  • Montesquieu
  • Locke
  • Arendt
  • Alain
  • Rousseau
  • Platon
  • Hume
     
     
  • Suggestions et réponses